| Sujet: Nagoyaka Satori - Dossier Shinobi Ven 13 Mai - 15:15 | |
| 和やか • 悟り NAGOYAKA SATORI | I D E N T I T É
Nom : Nagoyaka (litt. « paisible, serein ») Prénom : Satori (litt. « éveil spirituel ») Âge : 27 ans Date de naissance : 18 avril Taille : 1,78 m Poids : 71 kg
P A R T I C U L A R I T É S
Plat préféré : Kare Udon et Dangos grillés. Plat détesté : Tout ce qui contient des champignons. Aime : la pluie mais aussi le beau temps, le chant des oiseaux, les haïkus, dormir et rêver, manier le sabre. Déteste : les effort superflus, les disputes, les médisances, les champignons, perdre. Excentricité : Très superstitieux. Nindô : Acquérir une grande sagesse et maîtriser ses émotions.
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C A R A C T É R I S T I Q U E S
- PHYSIQUE:
D’une constitution particulièrement moyenne, Satori ne se démarque pas par une musculature exubérante. Sa silhouette relativement haute est sculptée d’une charpente sèche et vigoureuse, qui n’est pas à l’abri de voir apparaître ça-et-là quelques minuscules rondeurs, résultat d’une passion sans frein pour les Kare Udon, et surtout les dangos grillés. Autrement dit, Satori lorsqu’il fait preuve d’un entraînement rigoureux, peut se targuer d’un corps adéquatement bâti pour sa trempe, mais ses laisser-aller occasionnels, symptomatiques d’une période de moral en chute libre ou de frustration créative, ont tendance à l’amollir ponctuellement. Heureusement, la génétique l’a conçu agréable à regarder, sans faire de lui un parangon de beauté. Sa bouille, d’un teint banal, est une toile de traits fins et doux, où l’on voit aussi facilement se dessiner un grand sourire enjoué qu’une moue pensive, que d’aucuns décriraient boudeuse. Surplombant un nez droit et pointu, ses yeux sont comme deux lacs aux abysses nébuleux ; d’un bleu céruléen parsemé de subtiles étoiles mauves. Ces joyaux, seuls véritables atouts physiques particulièrement attractifs de Satori, ont toujours fait la fierté de sa mère, Ameboshi, qui ne manquait jamais une occasion de les exhiber, à la grande honte du jeune garçon qu’il était. Une généreuse crinière de cheveux noirs et épais couronne le tout, cascadant de part et d’autre de son visage, et jusqu’à la base de son cou, non sans laisser quelques mèches rétives s’écarter du droit chemin. Cette nonchalance capillaire est une source permanente d’exaspération pour Noboru, le père très traditionnel de Satori, mais le jeune homme arrache toujours un sourire à son paternel lorsqu’il rétorque qu’il laisse le soin de sa coiffure au tribulations chaotiques du fleuve de la vie. Il faut dire que la rivière occupe une place importante dans l’imaginaire symbolique du clan Nagoyaka. Pour ce qui est de son style vestimentaire, Satori a fait le choix de la sobriété élégante. Il revêt habituellement un sous-chemise en résille gris, surmonté d’une tunique à manche courte noire ainsi qu’un pantalon de même couleur, cintré à la hanche d’une ceinture brune à outils ninja, où il range généralement des rouleaux de parchemin, des kunais, des shurikens et des parchemins explosifs. Il porte aussi des protège-poignets, davantage pour soulager ses mains de l’entraînement intensif au maniement du sabre que pour une quelconque recherche de style. - MENTAL:
D’un naturel relativement placide, Satori n’a pour autant pas sa langue dans sa poche. D’aucun pourrait l’estimer introverti, au premier regard, et ce serait vrai. Mais il y a, au-delà de cette apparente discrétion, un caractère déterminé et parfois bien trempé, lardé de travers exubérants comme de brillantes qualités. Observateur réservé, Satori intériorise énormément ce qu’il voit et entend, car il a tendance à vouloir analyser une situation, et la comprendre, avant d’agir, ce qui peut bien souvent se retourner contre lui, en particulier lorsqu’il retourne d’un choix de vie, même le plus élémentaire. Il n’est pas rare de surprendre ce véritable rêveur éveillé en train de buller, affalé à l’ombre d’un saule pleureur, sur la berge herbeuse d’une rivière au cours tranquille, les rieux rivés vers la voûte, ou bien errant sur quelque sentier de forêt peu emprunté. Si cette tendance à la paresse est, paradoxalement, essentielle aux arts ninjas qu’il pratique, elle ne fait pas l’unanimité auprès de ses camarades et supérieurs, qui aimeraient parfois qu’il se montre moins mollasson. Cependant, Satori fait preuve d’un entrain renouvelé aussitôt qu’il s’agit d’aller déguster un bon bol chaud de kare udon avec des amis, ou bien de faire griller des dangos au feu de camp. Il ne rechigne jamais – ou plutôt très rarement – à un bon entraînement ou à une mission, et n’est pas avare en effort quand il décide de se surpasser, de progresser, et de donner de son être pour une cause plus grande. D’ailleurs, derrière son allure parfois nonchalante ou détachée, Satori a en réalité un certain sens de l’émerveillement ; il aime les choses simples de la vie comme le chant des oiseaux ou l’odeur de la pluie, et ne tarie guère d’éloge lorsqu’il est admiratif face aux prouesses d’un autre. Il a aussi l’amusement facile, notamment en ce qui concerne les remarques humoristiques et les jeux de mots de son ami Shingetsu, qui font rarement rire leurs autres camarades. Du reste, il sait se montrer d’une extravagance peu contenue, qui se manifeste par des réactions soudaines, en particulier lorsqu’il interprète ce qu’il voit comme des bons ou des mauvais présages ou bien lorsqu’il trouve un champignon dans son plat. Durant son temps libre, notre shinobi aime s’adonner à deux arts qui le passionnent ; les haïku et la peinture… mais sans grand succès.
D O S S I E R
Allégeance : Kirigakure no Satô, le village caché de la Brume. Grade au début du RP : Jônin (avec toutes les justifs RP qui viendront bien sûr) Affinités élémentaires : Raiton, Suiton. Style de prédilection : Ninjutsu, Kenjutsu. Arme : Satori possède et manie deux sabres, mais jamais en même temps. Le premier, nommé Natsuarashi (litt. « orage d’été »), est un sabre tout ce qu’il y a de plus classique. C’est le katana dont se sert principalement Satori et avec lequel il exécute diverses danses et katas, qui lui permettent de combattre avec l’agilité des manipulateurs de l’élément aqueux et du kenjutsu. Le second katana, nommé Ikazuchi (litt. « tonnerre ») est propre au clan Nagoyaka, dont il est l’artefact légendaire transmis de génération en génération. Ikazuchi renferme le pouvoir de l’orage et sa manipule particulièrement bien avec l’affinité Raiton.
- TECHNIQUES:
秘術,霧雨 • Hijutsu, Kirisame – Technique secrète de la Bruine. Satori déverse son chakra dans une partie de l’atmosphère qui l’entoure, ou sur une zone dédiée d’envergure moyenne, générant de petits nuages de pluie de basse altitude qui se mettent à déverser une fine bruine. Les personnes au contact de cette pluie voient leur chakra perturbé et légèrement absorbé. Particulièrement efficace pour créer un environnement humide, et ainsi renforcer les techniques Suiton et Raiton tout en affaiblissant les techniques Katon. Mudras : Buffle – Chien – Rat. Portée : moyenne à longue.
水遁,水牢の術 • Suiton, Suirō no Jutsu – Technique de la Prison Aqueuse. Pour réaliser cette technique, Satori génère une grande sphère d’eau du bout d’une de ses mains, dans laquelle il emprisonne sa cible. Permet de capturer un adversaire et de le retenir prisonnier tant que le sort n’est pas rompu ou que le contact de l’utilisateur avec la sphère d’eau n’est pas interrompu. Mudras : Serpent – Buffe – Cheval – Lièvre – Buffle – Cheval – Lièvre. Portée : courte.
水遁, 鉄砲玉 • Suiton, Teppō Dama – Bombes aqueuses. Satori insuffle ses poumons de chakra suiton qu’il comprime violemment avant de le relâcher par la bouche, projetant sur son adversaire une série de bombes d’eau sous haute pression qui filent à grande vitesse et explosent à l’impact, infligeant des dégâts destructeurs, qui varient en fonction de la quantité de chakra insufflée. Mudras : Tigre. Portée : moyenne à longue.
水遁, 水津波 • Suiton, Suishōha – Le Raz-de-Marée Tourbillonnant. Satori forme un large tourbillon d’eau tout autour de lui, qui le protège dans un premier temps des attaques adverses, avant de se déverser comme une puissante vague dans la direction choisie, emportant tout sur son passage et inondant partiellement le terrain. Cette technique peut être combinée avec la paume du Raitei pour créer un déferlement électrique. Mudras : Paumes jointes. Portée : courte puis moyenne.
雷遁, 雷帝の手の平 • Raiton, Raitei no Tenohira – La paume du Roi de la Foudre. Satori concentre son chakra Raiton sur l’une ou l’autre de ses mains, générant un ballet d’étincelles qui virevoltent autour de sa paume et entre ses doigts. Sa main reste ensuite chargée en électricité pendant quelques minutes, ce qui lui permet d’électrocuter une cible d’un simple contact, ou encore d’insuffler ce même chakra dans un objet de son choix, comme une épée, un shuriken, ou encore la sphère d’eau créée par la technique de la prison aqueuse. Les dégâts sont d’autant plus importants si la cible est mouillée ou se trouve en contact avec une surface d’eau. Mudras : Serpent – Dragon – Singe. Portée : corps-à-corps.
雷遁, 雷の槍 • Raiton, Kaminari no Yari – La Lance de Foudre. Satori joint ses paumes puis, en les séparant, génère un arc électrique qui prend la forme d’une lance. Il peut ensuite la projeter sur un adversaire, qui se verra transpercé et électrocuté par le projectile.
川柳の踊り • Kawayagi no Odori – La Danse du Saule. Cette technique de Kenjutsu consiste en un enchaînement précis de coups de sabre visant à rompre la garde de l’adversaire, puis à lui infliger de sérieuses entailles à l’aide d’un katana, éventuellement imprégné de chakra Raiton. Cet enchaînement doit son nom au fait que les mouvements de l’utilisateur évoquent celui du feuillage d’un saule pleureur bruissant au vent.
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H I S T O I R E
PARCHEMINS DE L'HISTOIRE CLANIQUE
.I. ~ 嵐スレイヤー の 物語 ~ Arashisureiya no Monogatari « Le Conte du Pourfendeur de Tempêtes »
- I:
♪ Musique de lecture : Explanation ♪
« Le Parchemin de l’Ouragan recèle en lui le récit des origines du clan Nagoyaka. Celui qui l’ouvre peut y lire une histoire qui se classe vraisemblablement parmi les mythes, mais toute légende convoie en elle une part de vérité… Il suffit juste de tendre l’oreille, pour tenter de saisir le sens profond des leçons de nos ancêtres. » – Basabasa-Obāchan
Il est dit qu’autrefois vivait un samouraï du nom d’Izumo. Habile bretteur, il dédia ses plus jeunes années à l’étude des arts du sabre et à la contemplation des flux d’énergie physique, spirituelle et naturelle. Quand son maître eut décrété la fin de son enseignement, Izumo quitta ses terres natales du Pays du Fer en quête d’une parfaite quiétude et d’une maîtrise sans égal du kenjutsu. Son voyage initiatique fut riche et long, et d’aucuns prétendent qu’il l’emmena aux confins du monde, par-delà les lointains Pays du Bois et des Ours. On dit qu’il médita sous chacune des cinq-cents cascades de Taki no Kuni, qu’il se laissa dériver sur toutes les rivières de Kawa no Kuni sans manger ni boire, qu’il explora les vestiges perdus du Pays des Ruines et même qu’il fut initié aux secrets des sceaux du Pays des Tourbillons. Mais en nul endroit Izumo ne s’attardait, car toujours les vents le portaient ailleurs, sans destination réelle. Un jour, alors qu’il s’aventurait seul sur les eaux tumultueuse de la mer des Ouragans au nord du Pays de l’Eau, un violent typhon abîma sa modeste barque dans les abysses, le livrant tout entier à la merci des vagues déchaînées. Izumo ne lutta guère contre les puissances naturelles, et accepta cette nouvelle épreuve du sort avec sérénité, si bien que les courants l’emportèrent peu à peu vers les rivages sablonneux d’une île ; le Pays des Tempêtes, Arashi no Kuni.
Ne vivait là qu’une petite communauté de pêcheur et de moines-ninjas qui, d’après la légende, cohabitait avec le Dieu des Orages au gré de ses brutales sautes d’humeur et de ses extravagances émotionnelles. Depuis l’aube des temps, les habitants d’Arashi vouaient un culte à ce kami impétueux, le priant au vieux temple sur la montagne, et donnant offrandes en des autels disséminés partout sur l’île. Des âges durant, le kami s’en contenta. Mais il vint un matin où, alors qu’elle se baignait dans les sources cristallines près du temple, la princesse de l’île – donc la fille du chef de village – attira l’attention du dieu. Elle s’appelait Asanagi et l’éclat de ses yeux évoquait la clarté sereine du matin sur les littoraux. On dit qu’une accalmie inédite gagna le cœur du kami des orages lorsqu’il aperçut la belle demoiselle. Alors, par pur caprice, il exigea sa main, mais elle la lui refusa aussitôt.
Quand il eut repris ses esprits, Izumo vit que l’île était en proie à une violente tempête qui semblait ne jamais tarir. Des bourrasques mauvaises charriaient des pluies cinglantes et dans le ciel résonnait sans cesse l’écho du tonnerre, comme le grondement d’une créature courroucée tapie derrière un océan de nuages noirs. Au village, Izumo fut d’abord accueilli avec méfiance, car on le pensait être un envoyé du Seigneur des Tempêtes, mais quand les habitants de l’île comprirent la pureté de ses intentions, ils lui offrirent un toit et des vivres. Ce même soir, au coin du feu, le chef du village conta comment le Dieu des Orages déchaînait sa colère destructrice sur l’île depuis que sa fille l’avait éconduit et qu’aucune prière ni offrande ne pouvait plus apaiser son courroux. Les anciens demandèrent l’aide du samouraï, qui accepta, car il était habité d’une certitude : les vents ne traçaient sa route qu’à dessein et le destin, fusse-t-il de son fait ou de celui d’entités célestes innommables, lui réservait un rôle à jouer dans cette histoire. On lui raconta comment Asanagi, résolue à défaire les néfastes conséquences de son refus, venait de partir vers le sommet de la montagne afin de défier le kami des orages en duel. Si elle maîtrisait quelques arcanes de ninjutsu, ses sorts n’auraient rien pu faire contre les puissances terribles de la nature. Non, c’était un duel d’esprit qu’elle proposait au Seigneur des Tempêtes, un duel d’énigme. Si le dieu l’emportait, elle l’épouserait. S’il perdait, il devait renoncer à ses revendications et laisser en paix les habitants d’Arashi no Kuni.
Sur le chemin du sommet, Izumo rencontra une Asanagi meurtrie mais déterminée. Elle le remercia pour l’aide qu’il lui proposait, mais la refusa, décrétant qu’elle seule devait assumer cette responsabilité. Pour un jour prétendre diriger l’île, elle devait d’abord se montrer capable de la protéger. Admiratif face à tant de résolution et d’abnégation, Izumo la suivit jusqu’au temple, où il observa, en retrait, le dieu accepter les termes du duel. Le kami prononça son énigme, qu’Asanagi résolut sans l’ombre d’une hésitation. Cependant, à l’inverse, le dieu des orages ne trouva jamais la réponse. Fou de rage et mauvais perdant, il s’éleva dans le ciel et prononça les paroles suivantes :
« Puisque tu me refuses ta main, nul ne l’aura. Voici mon courroux, par lequel je te condamne à vivre seule et misérable, oubliée du monde en ces terres isolées qui sont miennes ! »
À ces mots, il fit venir à lui la plus terrible créature des sphères célestes, son familier démoniaque et le plus loyal serviteur de sa colère : Raijū, le fauve divin de la foudre, qui prenait la forme d’un puissant éclair mortel et destructeur. Asanagi implora le kami d’honorer sa promesse, mais ce dernier, aveuglé de haine, dirigea sa bête en contrebas de la montagne. L’éclair, qui prenait racine dans de lourds nuages chargés de noirceur, fusa vers le village à la vitesse de la lumière, mais Izumo, jusqu’alors resté en retrait, dégaina subitement son puissant katana et, bondissant aussi vite – sinon plus encore – pourfendit Raijū de part en part, traçant dans le ciel un arc d’étincelles mourantes qui poussèrent une complainte grondante avant de se dissiper dans les vents du matin. Izumo venait de pourfendre la foudre et, se faisant, l’avait faite sienne, arrachant au kami des orages l’essence même de son pouvoir. Depuis ce jour, Raijū demeure scellé dans la lame de son sabre, qu’Izumo ne dégaina jamais plus. Le village accueillit le retour de leur deux héros avec joie et le chef proposa au samouraï de s’installer parmi eux. Nul ne sait vraiment pourquoi, mais Izumo, le célèbre Samouraï Itinérant qui jamais ne fait sienne la terre qu’il foule, accepta. Et ainsi prit fin le long voyage qui l’avait mené aux confins du monde connu. Les années suivantes virent naître un amour empli de respect et d’admiration mutuelle entre Izumo et Asanagi. Ils sont les fondateurs présumés du clan Nagoyaka.
.II. ~ 暗雲低迷 の 惨劇 ~ An'unteimei no Sangeki « La Tragédie des Nuages Noirs »
- II:
♪ Musique de lecture : Observation ♪
Nul ne sait quand se tinrent les événements décrits dans le Parchemin de l’Ouragan, si tant est qu’ils soient réels. Mais, avec le flot du temps qui passe, les mythes se muent en histoire et les archives font bien état d’une île secouée d’orages violents, qui se trouvait jadis dans la mer des Ouragans, à mi-chemin entre le Pays de la Foudre et le Pays de l’Eau. C’est dans les écrits qui nous restent de ce pays disparu qu’est mentionné le nom du clan Nagoyaka pour la première fois. Il y a au moins deux siècles, cette famille puissante régnait sans partage sur Arashi no Kuni. Ses membres furent de puissants shinobis, pour la plupart excellant dans les arts du sabre, mais aussi dans manipulation de la foudre, parfois de l’eau et du vent. La lignée vit apparaître en son sein le Kekkei Genkai né de l’union des affinités Raiton et Suiton ; Ranton, la maîtrise des tempêtes. Ils prospéraient en offrant leur protection aux navires de tous les horizons qui souhaitaient traverser les eaux agitées de la mer des Ouragans, usant de leur maîtrise élémentaire pour combattre les forces de la nature et assurer le sauf conduit des voyageurs. Cette pratique vit grandir rapidement la notoriété des Nagoyaka, qui attirèrent l’attention – et l’amitié – des notables de Mizu no Kuni. Ces derniers aspiraient à contrôler une grande partie des mers entourant l’archipel et voyaient les Nagoyaka comme un atout précieux pour un commerce maritime florissant. Ainsi, le clan fut très tôt impliqué dans les affaires du village caché de la Brume.
Parallèlement, à Arashi no Kuni, les Nagoyaka suivaient leurs propres coutumes, formant chaque nouvelle génération dans une quête d’éveil spirituel orientée vers la pondération parfaite, la connaissance et la maîtrise de ses propres émotions – précepte que le fondateur du clan avait poursuivi tout au long de son existence. Le temple de la montagne était d’ailleurs devenu le temple d’Izumo et d’Asanagi, et en son cœur reposait Ikazuchi (いかずち – « Tonnerre »), le célèbre sabre du Pourfendeur de Tempête. Seuls quelques rares élus furent jugés assez dignes et puissants pour porter ce katana, mais il ne s’agissait que d’un honneur cérémonial, d’apparat, car il était devenu impossible de dégainer Ikazuchi. En effet, la légende dit que, après avoir fait prisonnier le démon Raijū, Izumo avait apposé les quatre sceaux des vertus cardinales – tempérance, prudence, résolution et justice – sur le fourreau de son sabre de sorte que seul un individu présentant ces qualités dans leur version la plus harmonieuse – et donc la parfaite pondération – puisse le brandir. En effet, comme Izumo l’avait sagement compris, par la présence en son sein de Raijū, Ikazuchi renfermait une puissance telle qu’il était imprudent de le confier en des mains hâtives et incertaines.
Mais comme toute source de pouvoir, l’épée – ou du moins le clan qui en avait fait son patrimoine – attira bien vite les convoitises, dont celles de Kaminari no Kuni, le Pays de la Foudre. Il serait toutefois injuste de prétendre que les dignitaires de Kumo, à l’époque, n’avaient à cœur que d’agrandir la puissance de leur arsenal. Il y avait du vrai en cela, mais les Kumonins se sentaient aussi menacés par le rapprochement ostensible de Kiri, l’un de ses villages rivaux, et du clan Nagoyaka, qui contrôlait l’île d’Arashi, une région pivot de la mer des Ouragans. Or, la question de la domination maritime avait de tous temps été au cœur des conflits opposant l’Eau et la Foudre.
Bien entendu, le clan Nagoyaka fut à plusieurs reprises approché par les deux puissances, avec lesquelles il acceptait de traiter, à condition de toujours maintenir sa précieuse indépendance. Le temps passant, les liens se resserrèrent tantôt avec Kiri, tantôt avec Kumo, selon les affinités avec ces villages qu’entretenaient les différents chefs de clan qui se succédaient. Avec le recul, il est aisé de penser que les dignitaires du clan Nagoyaka se livraient à un jeu dangereux en jonglant ainsi avec deux puissances généralement hostiles l’une envers l’autre. Mais derrière leurs apparences volages se cachaient en fait des intentions dignes de leurs préceptes claniques les plus fondamentaux. En jouant ce rôle d’intermédiaire, la volonté des Nagoyaka était en réalité d’assurer la paix sur la mer des Ouragans, toutes les îles qu’elle abritait et, si possible, entre les deux grandes nations rivales.
Hélas, quand la guerre ouverte éclata entre Kumo et Kiri, les dirigeants de chaque pays exigèrent des Nagoyaka qu’ils choisissent un parti. Ce fut l’aube d’un grand mouvement de dissension au sein du clan. En ce temps-là, Arashi était dirigé par des jumeaux ; Harusame et Kouhyô. Comme on le devine aisément, la situation les divisa, eux qui pourtant avaient fait preuve de tant de cohésion jusqu’à ce jour. La première, Harusame, était à la tête des partisans de longue date de Kiri, elle prônait la désescalade des tensions, le dialogue et le maintien à long terme de l’indépendance du clan. Son frère, en revanche, rallia à lui les partisans de Kumo qui, à terme, espéraient voir le clan rattaché au village caché des Nuages afin de bénéficier de son économie et de son influence. On prétend que le Nidaime Raikage, à l’époque, avait formulé dans l’oreille de Kouhyô la promesse d’un poste à pouvoir dans la hiérarchie de Kumo, ainsi qu’une place de choix pour son clan dans l’horizon politique du village. Ce serait alors plus par intérêt personnel que pour le bien de ses pairs que Kouhyô aurait choisi le parti des Nuages.
♪ Musique de lecture : Hidden Will to Fight version 2 ♪
La suite des événements est trouble et peu de survivants peuvent en relater la teneure exacte. Mais en voici la version généralement admise. Alors que le front de guerre entre les deux pays se trouvait sur un chapelet d’îles situé à l’ouest d’Arashi, une poignée de shinobis de Kiri, blessés et à moitié morts, furent recrachés par la mer sur les plages de l’île. Respectant leur ancestrale loi d’hospitalité, les membres du clan les recueillirent et les soignèrent, en leur faisant promettre de partir aussitôt qu’ils seraient remis. Mais le destin des hommes est parfois cruel et capricieux… En effet, un espion de Kumo infiltré à Arashi s’aperçut de cet acoquinement suspect, qu’il s’empressa de rapporter à ses supérieurs. Naturellement, ceux-ci pensèrent que les Nagoyaka fomentaient un assaut secret avec les ninjas de Kiri, et ils décidèrent d’une riposte préventive. Quelques jours plus tard, ils attaquèrent Arashi et un combat s’engagea entre les Kirinins et les Kumonins. Cette agression balayant toute possibilité de neutralité, chaque parti fut soutenu par ses sympathisants au sein du clan Nagoyaka, qui se déchira de l’intérieur.
Profitant de la confusion, Kouhyô se rendit au Temple d’Izumo et d’Asanagi, assassina les sages chargés de la surveillance d’Ikazuchi, et le déroba. Sur le chemin du retour, il fut intercepté par sa sœur jumelle qui connaissait ses intentions comme les siennes. Dans ce chaos, les paroles ne furent plus d’aucune utilité et nulle raison n’aurait su être invoquée, alors un combat fratricide s’engagea. Le duel fut long et fastidieux ; Harusame vit bien quels mensonges et quelle cupidité aveuglait le regard de son frère, et elle désespérait de voir les flammes de la guerre engloutir les forêts de son enfance. Elle dominait chacune des passes si bien que, incapable de dégainer Ikazuchi naturellement mais brûlant de recourir à sa force pour renverser le cours du combat, Kouhyô usa de la puissance brute de tout son chakra, força les verrous de l’épée et la tira au clair. Hélas, il n’est guère de grand pouvoir qui se peut manipuler à la légère et, ce faisant, il condamna son clan et l’île de ses ancêtres. Car, quiconque dégaine Ikazuchi sans faire montre d’une parfaite pondération ne peut guère rester maître du pouvoir qu’elle contient. Ainsi, pour la première fois depuis des âges, Raijū se libéra de ses chaînes et un effroyable orage de haine et de destruction s’abattit sur l’île d’Arashi. On dit que les bouches de l’océan s’ouvrirent béantes, découvrant des crocs écumants et avides ; que le ciel se déchira comme un abîme, crachant sur l’île des gerbes fulgurantes, répandant la mort et le feu, et que des quatre points cardinaux se levèrent des vents si terribles qu’ils secouèrent la montagne et attisèrent les incendies en brasiers titanesques. Dans ce ballet funeste dansait Raijū, la féroce bête de la foudre, qui laissait dans son sillage des étincelles crépitantes et l’écho d’un grondement satisfait ; car voilà qu’il accomplissait enfin la volonté de son maître, en réduisant à néant l’héritage d’Izumo et d’Asanagi.
Kouhyô assista, impuissant, au sinistre spectacle dont il était l’instigateur, et toute sa résolution s’en retrouva balayée. Harusame lui arracha le sabre des mains et, n’aspirant plus qu’à sauver tous ceux qui pouvaient l’être, gravit la montagne jusqu’à son sommet. Là, elle planta l’épée légendaire dans le sol en invoquant toute sa puissance, toute son énergie, et toute la pondération dont un humain peut faire preuve en une heure si sombre. Puis, elle utilisa une technique dont seul le nom nous est parvenu, car tous ses secrets ont été perdus : la Dernière Chaîne Céleste du Dieu des Orages. De ses deux mains, elle conjura une chaîne de chakra colossale qui, fendant le ciel, entrava Raijū avant de le sceller une nouvelle fois dans Ikazuchi. Harusame la Légendaire usa de ses dernières forces vitales pour reconstituer les quatre sceaux cardinaux, auxquels elle apposa un cinquième sceau ultime, celui de la parfaite pondération. Le dernier regard qu’il lui fut donné de lancer lui permit de voir que, au loin à l’horizon, derrière un rideau de rayons solaires salvateurs, un navire aux couleurs de son clan s’éloignait de la tempête. Elle rendit son ultime souffle, avec l’espoir qu’un jour, quelque part, son clan prospérerait à nouveau et poursuivrait la quête d’harmonie initiée des âges plus tôt par leur ancêtre Izumo.
Aujourd’hui, il ne reste de l’île d’Arashi que des vestiges fumants ; des écueils rocheux, des bancs de sables et des îlots fragmentés où se devinent les ruines éparses d’un village abandonné et d’un vieux temple. Nul ne s’y rend, car des vents traîtres et mauvais y soufflent encore, précipitant les navires téméraires vers la catastrophe ou l’on peut entendre l’écho sourd et menaçant d’un grondement, dont on ne saurait dire s’il provient de la voûte ou des abysses. La plupart des Nagoyaka moururent lors de cet événement que l’on surnomme An'unteimei no Sangeki, la tragédie des nuages noirs qui s’amoncèlent à l’horizon. Une poignée survécut, toutefois, et trouva refuge dans l’archipel de Kiri, d’abord sur Torijima, l’Île-aux-Oiseaux où ils installèrent leur nouveau sanctuaire puis, pour certains, directement au village caché de la Brume. Ce fut donc au Pays de l’eau que la suite de leur histoire allait bientôt s’écrire…
.III. ~ 建て替える ~ Tatekaeru « Reconstruire »
- III:
♪ Musique de lecture : Thinking ♪
Les Nagoyaka ne recouvrèrent jamais leur gloire et leur prospérité d’antan mais, trois générations après la catastrophe, ils faisaient partie intégrante du Pays de l’Eau. En effet, le Daimyô de Mizu no Kuni les avait invité à rejoindre son pays, afin de les remercier du secours apporté aux shinobis de Kiri. Toutefois, en réalité, le traumatisme de la guerre et de la discorde lestait le cœur des Nagoyaka d’une meurtrissure si vive que le clan ne se resouda jamais pleinement. Quantité de survivants refusèrent de prêter allégeance au village caché de la Brume, qu’ils tenaient pour partiellement responsable du sort de leur famille. Aussi, beaucoup s’en furent vers d’autres horizons pour ne jamais revenir. Certains ont entrepris de périlleuses aventures et sont morts, d’autres ont fondé leur propre famille dans d’autres nations, préférant oublier le nom qui avait jadis été le leur, et d’autres encore décidèrent de suivre la voie d’Izumo en parcourant seuls le monde, en quête de cette légendaire et parfaite pondération. L’histoire de ces individus n’est plus contées à partir de ces lignes, car leurs noms disparaissent des archives et des rouleaux qui nous sont parvenus à ce jour.
Seul un noyau dur d’individus, donc, participa activement à poser les fondations du renouveau. À sa tête, Nagoyaka Kasuru était la plus hardie ; elle accepta humblement la charge de maintenir vivace l’héritage de ses ancêtres, avec le soutien de ses cousins Asahi et Oroshi. Ensemble, ils s’installèrent à Torijima, l’Île-aux-Oiseaux, au nord de l’archipel de l’Eau où ils construisirent Chinseika, le « Sanctuaire de l’Accalmie ». Ce nouveau temple, constitué d’une petite enceinte, d’un réseau d’étangs, d’une saulaie fleurie et d’une haute pagode, fut dressé sur le versant sud de la montagne, et on y ajouta un autel destiné à supporter Ikazuchi, l’épée sacrée du clan… bien que celle-ci eu disparu, probablement engloutie avec le reste d’Arashi. On dit que, aussitôt la bâtisse parachevée, un couple de grue vint s’installer dans les étangs. Ce merveilleux présage attisa la détermination de Kasuru et scella la promesse d’une vie paisible.
Cette nouvelle structure attira bientôt l’attention des pêcheurs qui s’aventuraient près de l’île car, jusqu’à présent, celle-ci n’avait eu pour habitants que des oiseaux rares et sauvages ; étourneaux iridescents, éperviers cardinaux, grues mouchetées et immaculées, onagadoris, vanneaux à queue longue et autres paons chanteurs. Mais le commerce et les nécessités du clan attirèrent à lui quelques âmes en quête d’un nouveau départ… et bientôt, en contrebas du sentier qui louvoyait de Chinseika jusqu’au pied de la montagne, poussa un hameau.
Kasuru dédia le restant de son existence à la gestion, au développement et à la prospérité de Chinseika et du petit hameau attenant. Elle avait une fille, Kazuko qui n’avait que quatre ans lorsque se produisit la catastrophe d’Arashi, mais elle avait perdu son mari dans l’incendie du village et ne reprit jamais d’époux. Asahi et Oroshi, quant à eux, se rendaient fréquemment à Kiri, afin d’entretenir leur nouvelle relation avec le village shinobi. Du reste, étant eux-mêmes des ninjas accomplis, le Mizukage ne tarda pas à demander à ce qu’ils s’impliquent dans les affaires du village, leur proposant même de s’y installer. Ils acceptèrent et bientôt fondèrent leur propre cellule familiale, séjournant tantôt à Kiri, tantôt à Chinseika. D’abord liés comme les doigts d’une main, les deux frères s’éloignèrent peu à peu et on dit que leur divergence fut telle qu’ils ne s’adressèrent plus la parole pendant des années, au grand dam de Kasuru qui prônait la cohésion au sein du clan.
Asahi eut une fille, Kasumi et un fils, Kawaru, tandis qu’Oroshi n’eut qu’un fils, Atsui. Kawaru était un homme serein et réfléchi, il médita longuement aux préceptes de son clan sous les saules de Chinseika ou sur les rivages des rivières de Kiri. Il épousa une kunoichi du village et eut un seul fils ; Noboru. Celui-ci hérita de la même dévotion au respect de la tradition que son père, il protégeait un cœur chaud et généreux derrière une façade froide et sévère, qui fondit quelque peu lorsqu’il rencontra l’étoile de ses jours et sa future épouse : Ameboshi, avec laquelle il eut deux enfants ; Satori et Maemi.
PARCHEMINS DE L'HISTOIRE PERSONNELLE
.I. ~ 悟りの 物語 ~ Reichô no Satori « L’éveil de l’Oiseau Sacré »
- I:
♪ Musique de lecture : Peaceful ♪
La naissance de Satori ne fut pas une mince affaire. Pour l’occasion, Noboru et Ameboshi avaient décidé de se rendre à Chinseika, afin d’honorer la mémoire des ancêtres du clan par l’arrivée de leur premier fils. Ce fut Kazuko, la fille de feu Kasuru – devenue matriarche du sanctuaire depuis la mort de sa mère – qui supervisa l’accouchement au sanctuaire. Le travail commença au milieu de la nuit, alors qu’une violente tempête secouait Torijima, et il fut long et fastidieux, comme si Satori refusait de voir le jour. Il se poursuivit jusqu’à l’aube, quand les vents furent retombés et la voûte se fut éclaircie, et c’est un beau soleil matinal de printemps qui accueillit pour de bon notre petit protagoniste, au grand soulagement de sa mère.
Ameboshi fut très affaiblie par le labeur, si bien que son époux, la surnomma « Umbeboshi », comme les prunes séchées qui se savourent en encas. Le trait d’humour, très mal reçu, se solda par un hématome sur la joue et un nez sanguinolant, mais le quolibet fit mouche et s’ancra dans les us du couple. Satori, tout au long de sa jeunesse, en usa à tort et à travers dans le seul but d’irriter sa mère. Après quelques semaines de repos passées à Chinseika, le couple s’en retourna à Kiri, non sans remercier Kazuko et ses suivants pour les soins procurés. Trois ans plus tard naissait Maemi, la petite sœur de Satori, dont ce dernier s’enticha très vite, faisant la promesse à ses parents de toujours veiller sur elle. Lui était réservé, rêveur, mais plein d’entrain pour les petits bonheurs après lesquels courent les enfants de son âge. La seconde se montra très tôt d’une vivacité solaire à toute épreuve ; elle s’amusait et s’émerveillait de tout. Les deux firent la paire, comblant de bonheur leur mère, qui les voyaient comme son plus grand trésor, et jamais cette complicité fraternelle ne s’étiola.
On peut donc dire que la petite enfance de Satori fut joyeuse, simple et arrosée d’amour. Des deux parents, Ameboshi était la plus présente, la plus expressive ; elle emmenait partout ses enfants, se targuant à qui voulait l’entendre d’être l’architecte des yeux profonds de son fils et du sourire rayonnant de sa fille. Noboru, qui passait beaucoup de temps hors de Kiri, en mission pour le village ou par simple recherche de solitude méditative – comme son père avant lui – n’était pas en reste. Il leur prodiguait un amour aussi réel, quoi que plus discret et contenu, qui se manifestait par cette maladresse typique des pères traditionnels qui veulent guider leurs enfants par des leçons morales et des remontrances bienveillantes.
L’avenir de Satori ne fit l’objet d’aucun questionnement ; au contraire, il se présenta comme une évidence. Admiratif de ses parents pour leurs compétences de shinobi, le jeune garçon sut très tôt que cette voie serait aussi la sienne. À sept ans, il intégra l’académie ninja de Kiri, alors en pleine réforme à la suite de la triste époque du brouillard sanglant, et il s’entraîna aussitôt aux différents arts ninjas. Parallèlement, Noboru lui faisait découvrir l’héritage qui était le sien. Plusieurs fois par an, il l’emmenait à Torijima, où il l’initiait aux arts du sabre tandis que Kazuko lui enseignait l’histoire du clan Nagoyaka, pour laquelle il se passionna très vite. Comment faire briller les yeux d’un jeune garçon, sinon en lui annonçant qu’il est le descendant lointain d’un légendaire samouraï auquel on prête des exploits surnaturels ?
En ce temps-là, déjà, Kazuko était une très vieille femme. Dernière personne en vie à avoir jadis foulé le sol de l’île d’Arashi – quand bien même il ne lui en restait que des souvenirs flous – elle était la vénérable matriarche de Chinseika depuis des décennies. Elle s’occupait du temple, des prières adressées aux kami de l’île, rassemblait et étudiait tous les savoirs relatifs à son clan, et lisait les auspices de la pluie et du vent. Il fallait dire que, nul mieux que les Nagoyaka ne savait lire et interpréter les augures des cieux et des mers et nombres de pêcheurs et de marins la venait consulter, afin de savoir quand prendre le large était sans danger, et quand il valait mieux rester au port. Non sans espièglerie, Satori la surnommait « Basabasa-Obachan », en référence au Basan, la volaille cracheuse de feu qui, d’après la légende, vivait quelque part sur les versants de la montagne de Torijima. Comme cette créature, elle était petite, arborait toujours d’extravagantes tenues cérémonielles pourvues de plumes, et avait un visage aux joues tombants et creusées de rides innombrables. Du reste, Chinseika grouillait d’oiseaux en tous genres ; grues, poules sauvages, irodoris, paons… et il semblait que tous appréciaient la matriarche – probablement du fait qu’elle les nourrissait généreusement de graines. La vieille femme s’amusa grandement du surnom, qui demeura, si bien que tous ceux qui la visitèrent par la suite ne l’appelèrent plus que par lui.
Vers l’âge de dix ans, Satori croisa la route d’un poète ambulant, qui se disait ermite, de passage au sanctuaire. Il assista à la lecture de ses haïkus en compagnie de sa jeune sœur et de sa mère, et s’enticha tout aussitôt de cet art, auquel il s’adonne depuis. Le vieux poète accepta de former le jeune garçon aux secrets de la poésie aussi longtemps qu’il séjournerait à Chinseika. Après quelque jours, il reprit son voyage, promettant de nouvelles leçons si leurs chemins devaient à nouveau converger.
.II. 新月 と 卑弥呼 Shingetsu to Himiko « La nouvelle lune et l’enfant solaire »
- II:
♪ Musique de lecture : Lazy Cloud ♪En grandissant, Satori prit goût aux choses simples de la nature. Il passait son temps libre à se promener sur les sentiers de Kiri, longeant les rivières, parcourant les petits bosquets qui coiffent les crètes et les vallons qui cernent le village. Noboru, quant à lui, aurait préféré voir son fils dédier ce temps d’oisiveté à l’entraînement, mais il dut bien se rendre à l’évidence ; Satori était moins efficace à l’étude quand on le privait de ses errances flegmatiques. Dès qu’il le pouvait, il se dédiait à sonder les émotions que la contemplation du monde alentour générait en lui, usant de cette introspection afin de composer ses premiers haïkus. Un matin, alors qu’il approchait de ses douze ans, il s’assit sous un vieux saule pleureur, sur la berge herbeuse d’une des rivières de Kiri, s’imprégna de son environnement et composa : « Les saules dansent au vent La rivière chante son amour… Y’a une tête dans l’eau. » Relisant ce dernier vers fort incongru, Satori releva le nez de son carnet de note et inspecta le cours de la rivière. Il vit avec une molle stupeur que, en effet, une tête qui semblait se fondre dans l’eau dérivait au gré du courant, le fixant au passage de ses deux yeux mauves. Battant des paupières avec incrédulité, Satori ne lâcha pas du regard cet étrange énergumène, mi-homme, mi-fleuve, qui lui rendait son attention insistante. | – Blblblblblbl, dit la tête, dont la bouche immergée ne produisait qu’un gargarisme incompréhensible. – Hein ?! fit Satori. – Tu fais quoi ? répéta-t-elle, les lèvres hors de l’eau. – J’écrivais un haïku, mais maintenant je me demande si j’nage pas en plein délire. Et toi ? – Bah, je nage moi, pour le coup. – T’es un yokaï des rivières, ou un truc du genre ? demanda Satori.
La tête s’immobilisa, émergea un peu plus, révélant un cou et des épaules, puis s’approcha du rivage herbeux sur lequel elle s’accouda. Intrigué, Satori s’avança vers l’individu et, d’une main légère et ingénue, lui tapota le sommet du crâne. Il était bien fait de chair et d’os.
– Ça porte bonheur de caresser la tête des esprits des rivières, expliqua Satori en constatant le froncement de sourcils perplexe qu’afficha son interlocuteur. – Tu crois vraiment à ces âneries de vieille grand-mère superstitieuse ? – Ne t’offusque pas, je t’en conjure, ô sage incarnation des forces naturelles… déclama soudain Satori on se prosternant. – Bakayarô ! s’amusa le baigneur. J’suis humain comme toi. Shingetsu, du clan Hôzuki. – Hôzuki… ? répéta Satori. Ah, je vois, les membres de ta famille ont le don de liquéfier leur corps, c’était donc ça. Tu maîtrises déjà très bien cette technique, pour un étudiant de l’académie. – Je n’étudie pas à l’académie. Mon clan préfère que je suive ses propres préceptes. Depuis l’époque de la brume sanglante, les Hôzuki se méfient des institutions… tss, les emmerdeurs. N’empêche que je vais quand même passer l’examen de fin d’année pour devenir Genin. Pas question de louper ça ! Peut-être qu’on sera dans la même équipe… euh… – Satori, précisa le jeune adolescent. Nagoyaka Satori. – Nagoyaka… c’est le clan originaire de l’Île-aux-Oiseaux ? – En quelques sortes, oui. – Ravi de faire ta connaissance, Satori le superstitieux.
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Cette rencontre saugrenue fut l’aube d’une longue et prospère amitié. En effet, Shingetsu et Satori semblaient se comprendre sans détour ; ils se faisaient rire à en pleurer (leur humour demeura cependant incompris d’un bon nombre de leur pairs), partageaient des idéaux communs et aspiraient chacun à restaurer le nom de leur clan, aujourd’hui en déclin. À douze ans, Satori et Shingetsu obtinrent leur diplôme et furent promus Genin. Le jour de l’assignation des équipes, cependant, Satori s’aventura tôt le matin dans la forêt au nord du village, en quête d’inspiration : un si grand jour méritait d’être marqué à l’encre indélébile d’un haïku qui saurait capturer l’honneur de sa promotion. Il se creusa les méninges pendant des heures, sans succès, et sombra dans un sommeil déçu. – Oh, toi ! fit une voix qui le tira soudain de sa torpeur. Il ouvrit ses yeux englués pour découvrir un visage rayonnant au grands yeux d’un bleu lacustre, encadré d’une chevelure pâle. Les traits angéliques de cet jeune fille, évoquant un doux soleil d’hiver, s’effacèrent aussitôt au profit d’une expression de consternation agacée. – Non mais je rêve ! s’agita-t-elle exagérément. Quelle image vas-tu donner à notre senseï, hein ?! Tu roupilles comme un flemmard alors qu’on t’attends depuis deux heures pour commencer les présentations, imbécile. – Ah, Himiko… soupira Satori, qui se retourna avec l’intention de se rendormir. Une claque virulente l’en empêcha, cueillant sa joue avant qu’elle ne puisse échapper à la trajectoire funeste de cette main chargée de colère. Fuyugata Himiko était une kunoichi de la même promotion de Satori ; ils se connaissaient depuis leur entrée à l’académie et avaient toujours été relativement proches, sans pour autant se bien connaître, mais cela, leur avenir au sein de la même équipe allait le changer. Ainsi fut formée l’équipe 8 de Kirigakure no Sato. Elle avait pour membres trois Genin fraîchement émoulus de l’académie – Hôzuki Shingetsu, Fuyugata Himiko et Nagoyaka Satori – et pour senseï, une certaine Shirobe Minawa. Survivante de la brume sanglante au corps et à l’esprit marqué par les violences de cette époque, cette Jônin fut un exemple à suivre pour les trois aspirants, un ciment dans leurs relations ainsi qu’une guide, qui les aida à surmonter toutes les tribulations de la vie d’un jeune ninja. Férue d’onsen, elle y emmenait ses élèves au terme de chaque mission rondement menée et sa passion pour les dangos grillés déteignit sur Satori. Ainsi, les trois Genins apprirent à se connaître mieux que personne. Satori aimait et admirait ses deux camarades, tout complexé qu’ils furent. Shingetsu, avec sa désinvolture moqueuse, masque protecteur qu’il brandissait par peur de ne jamais être la hauteur de ses cousins, Mangetsu et Suigetsu, ou de son ancêtre Gengetsu, qui fut Nidaime Mizukage. Et Himiko, parfois aussi chaleureuse qu’un vibrant soleil d’été, parfois aussi froide et terrible qu’une cruelle nuit d’hiver. Derrière ses airs ingénus, elle cela longtemps son Kekkei Genkai du Hyôton, craignant de voir ressurgir la haine de la brume sanglante qui, jadis, avait coûté cher au clan Yuki, dont le clan Fuyugata était parent. Tous ensemble, et sous le règne réparateur du Godaime Mizukage, Terumii Mei, ils effectuèrent de nombreuses missions de rangs divers – dont une de rang B, devenue A en cours de route, qui les conduisit jusqu’au Pays du Gel, puis au Pays des Sources Chaudes, mais nous conterons cela en temps et en heure…
.III. 本分 と 志望 Honbun to shibou « Devoir et ambition »
- III:
♪ Musique de lecture : Yugure ♪
Promu Chûnin à quatorze ans, en même temps que ses équipiers, Satori commença dès lors à suivre un nouvel enseignement, dispensé par son grand-père Kawaru. L’objectif, pour le vieil homme du clan Nagoyaka, était alors de transmettre à son petit-fils ce que son propre père avant lui, Asahi, lui avait inculqué ; la recherche d’une parfaite maîtrise de ses émotions ; la pondération d’Izumo. Ensemble, ils voyagèrent dans tout le Pays de l’Eau, à la recherche de nouveaux lieux de méditations ; sous des cascades, dans de vieilles grottes, sur des îlots déserts, parfois en compagnie de Noboru. En ce temps-là, le père de Satori commença à se montrer quelque peu distant avec le reste de sa famille ; il affichait un air constamment distrait, s’absentait parfois sans assignation et insistait pour que son fils suive rigoureusement les enseignements et les préceptes du clan – rappelant qu’il était un Nagoyaka, avant d’être un Kirinin.
Satori, de son côté, commençait à voir Kiri d’un œil éveillé d’adulte. Il prit conscience du passé trouble et obscur qui, comme un fardeau latent, lestait encore les esprits de ceux qui avaient connu le Brouillard Sanglant. Il voyait comment la Mizukage luttait pour restaurer la paix, la confiance et l’union au sein de son village, et il comprit qu’il souhaitait de tout cœur la réussite de cette entreprise. Il allait mettre ses compétences de ninja au service de la prospérité de son village et de ses amis, car il prenait la mesure de l’importance qu’occupait ces derniers dans sa vie.
Cette recherche de perfectionnement le conduisit à manier le sabre avec une dextérité remarquable. En fait, depuis qu’on lui avait conté l’histoire de son ancêtre Izumo, il n’aspirait qu’à s’élever à la hauteur de ce samouraï de légende, aussi s’était-il mit en tête de trouver un bretteur de renom pour le former au-delà de ce que son père avait pu lui enseigner. Or, Kirigakure no Sato fut de tous temps réputée pour compter en ses rangs de redoutables manipulateurs de sabre ; en particulier une organisation de lames d’exception ; les Sept Epéistes de Kiri, des shinobis possesseurs d’épées extraordinaires aux pouvoirs uniques, qui faisaient la fierté et la renommée du village. Mais, depuis la Brume Sanglante et les méfaits qu’accomplirent ces bretteurs devenus les « Sept Renégats », aucun de ces artefacts ne se trouvait à Kiri et on ignorait tout de leur devenir ou de leurs actuels propriétaires. Satori devait donc bien vite oublier sa folle idée d’être formé par l’un de ces légendaires combattants.
En lieu et place, c’est un maître inattendu qui le prit sous son aile ; nul autre que le vieux poète ambulant. Satori le rencontra pour la deuxième fois de sa vie sur l’Île des Singes, dans le grand archipel qui longe les côtes entre le Pays du Feu et le Pays de la Foudre, lors d’une mission de rang C qui consistait à récolter des herbes rares et des plantes médicinales endémiques. Nous conterons les détails de cette histoire en temps et en heure, mais toujours est-il que l’esthète vagabond, qui révéla s’appeler Sentsuru ; « la Grue Ermite », accepta de dispenser à celui qui l’admirait depuis sa tendre enfance une partie de son savoir, en matière de Kenjutsu comme de poésie, à cette seule condition qu’il accepte de n’être formé par lui qu’en ces moments de rencontre fortuite.
« Les vents du destin Dictent le vol de la grue, Sauvage et secret. »
Lui avait-il dit, sous forme de haïku, au cours de sa formation dans les jungles de l’Île des Singes. Le vieil homme se donnait des airs de sage vagabond, au grand amusement de Satori qui l’admirait sans retenue, n’ignorant pas la condition modeste de cet artiste sans le sou. Ils s’entraînèrent un mois durant, dans les forêts de bambous et sur les falaises escarpées et Sentsuru fut satisfait de voir le progrès de son disciple, qui se limitait toutefois aux arts de l’épée, car l’inspiration poétique de Satori était des plus capricieuses.
Une nouvelle fois, leurs chemins divergèrent et le jeune shinobi regagna sa patrie, fort d’une meilleure compréhension de ce qu’impliquait le maniement du sabre. À dix-neuf ans, lorsqu’il fut promu Jônin, Kawaru le vint trouver et lui annonça qu’une cérémonie allait se tenir en son honneur à Chinseika ; on lui remettrait un sabre, forgé à sa naissance par Kawaru lui-même. Ils se rendirent en famille au sanctuaire, où Basabasa-Obachan et ses centaines d’oiseaux les accueillirent chaleureusement. On alluma les Feux de la Sérénité, fit résonner les Quatre Cloches Cardinales et les suivantes de la Matriarche habillèrent Satori du Kimono traditionnel des Nagoyaka, où s’entremêlaient des motifs de pluie, de vent et de foudre. Assistèrent à ce rituel Ameboshi et Maemi, les yeux humides ; Kawaru qui opinait avec approbation ; Sayu et Minami, les filles jumelles de Kasumi, donc les grandes-cousines de Satori, et leurs enfants ; et Noboru, dont l’air grave trahissait un esprit vagabond, concerné… Enfin, on lui confia le sabre tant attendu, un katana de facture traditionnelle, baptisé Natsuarashi, la « Tempête Estivale ».
- LEXIQUE:
和やか – Nagoyaka : calme, paisible, serein. 物語 – Satori : éveil spirituel (en bouddhisme). 出雲 – Izumo : nom de la province sur laquelle régna la dynastie issue de Susanoo, le kami des tempêtes dans le shintoïsme, avant d’être renversée par des rebelles. 朝凪 – Asanagi : terme japonais employé pour décrire le calme du matin sur les littoraux. 雷 – Ikazuchi : Foudre ou tonnerre (tonnerre dans cette histoire). 春雨 – Harusame : pluie de printemps. 降雹 – Kouhyô : orage de grêle. 雷獣 – Raijuu : « bête de la foudre », yokai de la mythologie japonais qui accompagne et sert Raiden, le dieu de la foudre dans le shintoïsme. 課する – Kasuru : accepter la charge d’une responsabilité importante 朝日 – Asahi : soleil levant. 颪 – Oroshi : vent violent descendant de la montagne. 変わる – Kawaru : Changer. 登る – Noboru : s’élever. 卑弥呼 – Himiko : enfant solaire. 冬型 – Fuyugata : hivernal. 麻恵人– Maemi : sourire sincère. 新月 – Shingetsu : nouvelle lune.
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