L'Aveugle et le Démon.
« Entre Falaise et Cascade. »

Un nouveau jour se levait sur le Pays de la Terre. Un nouveau jour se levait sur le domaine de la famille Fong, cet honorable et vaste clan de Tsuchi no Kuni. Lorsque Mei ouvrit les yeux, aux premières aurores, elle ne vit rien de plus que ce qu'elle voyait en les gardant fermés : le noir complet. Le temps avait finit par dissiper la frustration que sa cécité provoquait en elle, car elle avait apprit à vivre avec et à s'en servir à son avantage plutôt que de demeurer simplement dans l'ombre. Peu à peu, la vie reprenait son cours après une nuit sereine et Mei ne tarda pas à rejoindre la table familiale du petit déjeuner, où mangeait déjà ses parents. Lorsqu'elle arriva, on lui fit servir une tasse de thé au gingembre, « pour éveiller tes sens encore endormis » avait précisé Maître Shan qui entrait à l'instant dans la pièce. Mei souriait à l'image qu'elle se faisait du vieil homme. De grande taille, il devait baisser la tête pour passer l'entrée de la pièce, vêtu d'une longue robe de voyage aux couleurs ternies par le temps, il respirait la sagesse et l'assurance. Sa longue barbe grise pendait sur son buste et il ses deux yeux d'un bleu cristallins rayonnaient d'un éclat de jeunesse qu'on ne lui soupçonnait pas en s'attardant sur les rides que le temps avait creusé sur son visage.

La clarté de ce temps avait beau être inconnue à la jeune demoiselle, il lui suffisait de s'enfouir au fond de sa propre conscience pour recouvrer la vue, dans ce qu'elle appelait son "océan intérieur"; son Setonaikai, lieu où elle rassemblait toutes les choses qu'elles percevaient grâce aux ondes du sol et où elle pouvait les voir de ses propres yeux. À ce jour, une grande plage, un vaste océan, quelques arbres en amont d'un fleuve sinueux... Et les membres de sa familles, inexpressifs et immobiles, mais pourtant bien réels...

Son petit-déjeuner terminé, et se délectant d'une dernière gorgée de ce surprenant thé, Mei regagna sa chambre où elle se vêtit de manière plus appropriée pour se rendre en extérieur, où elle escomptait récolter quelques plantes aux vertus enrichissantes lorsqu'elles sont ajoutées à un thé en préparation... Pour ce faire, elle décida de se rendre aux abords du village d'Iwa et donc, de passer la porte principale qui donnait sur les vastes vallées rocailleuses mais boisées qui composaient une grande partie de Tsuchi no Kuni. Alors qu'elle commençait son affaire, elle sentit non loin, une énergie nouvelle, qui s'approchait et qui lui était bien inconnue. Son incapacité à voir avait renforcé sa capacité à percevoir, aussi put-elle sentir que le chakra de cette personne était beaucoup plus puissant et grand que celui de la plupart des personnes qu'elle connaissait. Méfiante, elle se redressa et, se rappelant son devoir de Kunoichi d'Iwa, décida de barrer la route à la personne en marche vers le village.

Les yeux blancs, mais pourtant bel et bien rivés sur l'intriguant personnage, Mei, décida d'engager l'interrogation, tout en faisant preuve de l'éternelle courtoisie laquelle forge la réputation des Fong à travers plusieurs pays...

« Bonjour, inconnu. Je vous pris de décliner votre identité. »

Bien que sèche et brève, cette phrase avait le mérité d'être claire. Mei, attendant la réponse de son nouvel interlocuteur, tenta de jauger sa corpulence, c'était une personne plutôt fine, d'après la légèreté de ses pas, et l'orientation de ses jambes laissaient à Mei la possibilité de penser qu'il s'agissait davantage d'une femme que d'un homme. Quoi qu'il en fut, il était maintenant temps pour cette personne de répondre à la question de la jeune demoiselle.

L'Aveugle et le Démon.
« Entre Falaise et Cascade. »

"Une voyageuse de passage à Iwa" se répétait machinalement la jeune fille. Une voyageuse ? Vraiment ? Jamais Mei n'avait pensé que les simples voyageurs disposaient de telles quantités de chakra. Pour le coup, et de par cette intrigante réponse, Mei se surprit à froncer les sourcils. Elle qui, usuellement, n'exprimait que rarement ses émotions. Les vents chauds de l'été soufflaient sur le visage pâle de la jeune fille et ses longs cheveux noirs semblaient danser dans le vent. De la même manière, le vent soufflait sur l'interlocutrice de la jeune Mei, lui portant ainsi ses odeurs. Mei huma donc l'air, avec toutefois une discrétion distinguée. L'odeur qui émanait de la personne confirma les pensées de l'Iwanin, il s'agissait bel et bien d'une femme, comme avait également parachevé de le confirmer l'intonation de sa voix.

« Ne vous détrompez pas quand à mes capacités, voyageuse. Je sens en vous une grande quantité de Chakra et je sais que vous êtes un ninja. Hélas je ne peux donc vous laisser aller avant si vous ne clarifiez pas vos intentions avec honnêteté. »

Alors qu'elle prononçait ces mots, elles tentaient de garder les yeux fixes sur la Kunoichi qui lui faisait face, mais sa cécité ne pouvait lui garantir qu'elle dévisageait effectivement la personne en question.

D'un geste prudent, mais assuré, Mei approcha sa main de sa petite sacoche ninja qu'elle avait soigneusement attaché à sa taille, ce matin là, avant de quitter sa demeure au terme de son petit déjeuner. Elle sentit du bout de ses doigts les fleurs qu'elle récoltait depuis quelques heures déjà et finalement, juste en dessous, le froid du métal qui composait les shurikens et les kunais qu'elle maintenant, silencieux, dans sa paume dissimulée. "Du calme" pensa-t-elle, "je ne dois pas paraître hostile".

« Je ne souhaite pas me battre contre vous, mais vous devez comprendre qu'il est de mon devoir de vous interroger, étrangère. » ajouta-t-elle finalement.

Un soleil de plomb régnait en maître incontesté dans un royaume d'azur et de lait, où se mêlaient ailes blanches et noirs, vents d'ouest et d'est, et seuls les bruits distants du village rappelaient aux deux jeunes personnages leur existence humaine. Mais alors, et soudain, les vents tombèrent et l’œil de feu au regard embrasant semblait fixer immuablement la jeune Mei qui, pourtant n'y voyait guère. La sueur commença à perler sur son front, tant la tension s'élevait entre les deux personnes et tant la chaleur étouffante de cette atmosphère était écrasante.