Lointaines, les pluies du pays pluvieux. Passés, les vents froids de la nuit perpétuelle issue du noir manteau de nuage qui couvrait le ciel de son dévolu ténébreux. Oublié, les souvenirs chauds de l'enfance et surtout ceux de l'innocence. L'humidité nocturne laissait peu à peu place à la brume matinale, le chant des oiseaux recouvrait celui de la lune et les bras de Morphée délassaient le monde. Une bise fraîche se déposait sur les bois et les arbres en frémirent. Leur feuillage frissonnait tandis que se faufilait le souffle de l'aube entre les taillis, porteur d'un murmure qui réveillait la forêt, comme lui chantonnant de douces paroles maternelles. L’œil de feu s'ouvrit à l'horizon et aussitôt le ciel s'embrasa d'un rose flamboyant.

Les premiers rayons du soleil baignèrent la clairière où se reposait Sasuke quand l'astre s'élevait déjà un peu plus haut dans le ciel. Le jeune homme ouvrit les yeux spontanément, ce qui mit un terme à un sommeil noir, sans rêve, comme un univers sans étoile. Ni visages, ni voix, ni sentiments. Cette nuit fut si vide que Sasuke en sortit des plus reposé. Rafraichi et pleinement réveillé, Sasuke sortit de son sac de voyage un beignet de riz, qu'il savoura lentement en observant le ciel, toile de saphir aux reflets rosés d'un soleil timide qui se réfléchissait sur d'onctueuses perles nuageuses, isolées et voyageuses. Quelle savoureuse douleur que celle de la solitude par un spectacle pareil. Le monde était vide pour un Uchiwa perdu, comme l'était notre jeune shinobi. Son repas terminé, il quitta la clairière et se rendit vers le nord où il escomptait franchir la frontière du pays de la foudre en toute discrétion.

La douceur de midi s'était substituée à la fraîcheur du matin, lorsque se dressèrent les fières et féroces Montagnes de la foudre, fascinantes et pourtant si fastidieuses à franchir. Entourées d'une vaste étendue d'eau claire et limpide, ces monts paraissaient êtres les vestiges d'un royaume de pierre, les colonnes en ruine d'un temple colossal disparu. Impressionné par ce paysage inhabituel, Sasuke demeura d'allure impassible. Il était ainsi, froid comme une nuit d'hiver, il brûlait de se venger, obscur comme une nuit sans lumière, il brillait de danger. Avide d'apporter à la justice le poids qui, enfin, ajusterai sa balance et rétablirai l'honneur souillé des Uchiwa.

Lorsqu'il gagna le contrebas d'une de ces montagnes et s'engagea dans une forêt, il perçut un mouvement, subtil et silencieux, mais non moins inoffensif, prêt d'un ruisseau qu'il avait repéré d'un coup d’œil fugitif. Comme une ombre sans maître, il se glissa parmi les fourrées et fut à la forêt ce que la feuille est à l'arbre, si bien qu'il put s'approcher, sans éveiller de soupçons, de la personne qui en avait éveillé en lui. Une jeune femme, probablement une Kunoichi. Il fallait à Sasuke faire preuve de prudence, bien qu'il s'estimait en capacité de vaincre qui que ce fut, il ne fallait guère perdre contact avec la rationalité.

La personne se rafraichissait sans accorder d'attention alentour. Alors, Sasuke fut intrigué; une aura ambigüe émanait d'elle. Sans qu'il sut vraiment pourquoi, il se montra. Prêt à combattre si cela s'avérait nécessaire, il ne s'approcha guère trop et dévisageait la demoiselle d'un regard perçant et sévère.

« Il est rare de voir des gens par ici... Vous voyagez dans le pays ? » demanda-t-elle.

Sasuke fut surpris par ces mots. Qui était cette personne ? Et surtout, il n'était pas dupe, pourquoi cachait-elle sa véritable personnalité ? Prudence ou tentative de diversion pour ensuite l'attaquer ?

« Je voyage, en effet. Et toi ? Que fais-tu ici ? Le pays de la foudre est un pays dangereux, pour quelqu'un qui n'arbore pas l'emblème du Village des Nuages. » Le vouvoiement était une futilité qu'il avait décidé de s'épargner.

Visiter le pays ? Non. L'Uchiwa avait mieux à faire que de simplement vagabonder comme une âme en peine de paysages uniques à ajouter à sa collection de mémoires. La jeune femme mit un temps supplémentaire à répondre. Elle analysait très certainement la situation du mieux qu'elle le pouvait afin de ne pas commettre d'erreur et peut-être de découvrir la nature des intentions de Sasuke. Mais ce dernier, toujours aussi impassible et froid, fidèle à sa réputation d'homme sans expression faciale, ne laissa rien paraître sur la toile émotionnelle qu'était son visage.

Haru - « Quant à moi cela fait bien longtemps que je ne porte plus aucun emblème… C’est bien trop encombrant. »

Ainsi donc elle prétendait avoir déserté un village. Si tant était que l'on pouvait se fier à ses paroles et cela, Sasuke ne pouvait en être sûr, à moins de faire appel aux capacités de son pouvoir héréditaire, le Sharingan, pour sonder ses paroles et distinguer la vérité du mensonge. Cependant, faire cela reviendrait à dévoiler son identité d'Uchiwa, et donc de déserteur également. Quoi qu'il en soit, il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire en coin de lèvres, un emblème était effectivement encombrant, celui de Konoha l'aurait été, dans sa quête de pouvoir, il en était convaincu et c'est pour cette raison là justement qu'il avait rejoint les côtés d'Orochimaru. Du passé, il était maintenant indépendant, et avait de nouveaux projets. Projets qui le menaient justement ici, à Kaminari no Kuni.

Sasuke - « Je vois. Et quel est donc le village duquel l'emblème t'encombrait trop ? » Prononçant ces paroles, il faisait très discrètement glisser sa main le long de son fourreau et resserra ses doigts sur la garde de son épée, car la provenance de son village pouvait être déterminante sur l'issue de cette rencontre.

La jeune fille semblait sourire. Elle était intrigante. Et c'était la raison pour laquelle Sasuke n'avait pas encore passé sa route. Chose qu'il faisait habituellement lorsqu'il croisait des étrangers. Pourtant celle-ci n'était pas une simple voyageuse, il le savait. Elle ne cherchait pas la paix dans le monde, ni l'argent, et encore moi l'autorité, quelque chose de plus inhabituel l'animait et habitait ses convictions.

Sasuke - « Quoi qu'il en soit, j'ai à faire au pays de la foudre. Si tu veux m'en empêcher, libre à toi. Mais peut-être voudrais-tu plutôt venir avec moi. Je n'ai pas de temps à perdre dans cet endroit. »

C'était une façon comme une autre de la tester. La tension entre les deux individus était palpable et pressante. Autant briser la glace et en venir au fait, si elle voulait se mesurer à lui, qu'elle essaie, elle saurait ce qu'il en est de combattre un Uchiwa. Si toutefois elle souhaitait l'accompagner, il l'invitait indirectement à lui emboiter le pas, car déjà il se mettait en marche vers le Temple d'Unraï.